L’accès à la propriété passe souvent par l’obtention d’un crédit immobilier, lui-même conditionné par la souscription d’une assurance emprunteur. Au cœur de ce processus se trouve le questionnaire médical, document déterminant pour l’évaluation du risque par l’assureur. La validité juridique de ces questionnaires soulève de nombreuses questions, tant pour les emprunteurs que pour les professionnels du secteur. Entre protection des données de santé et lutte contre les discriminations, le cadre légal a considérablement évolué ces dernières années, notamment avec la loi Lemoine et le droit à l’oubli. Ces évolutions traduisent une volonté du législateur de trouver un équilibre entre les intérêts des assureurs et la protection des droits fondamentaux des emprunteurs. Examinons les contours juridiques précis de ces questionnaires médicaux, leurs limites et les recours possibles en cas de litige.
Cadre légal des questionnaires médicaux en assurance emprunteur
Le questionnaire médical constitue l’outil principal permettant aux assureurs d’évaluer le risque de santé que représente un candidat à l’emprunt. Son utilisation s’inscrit dans un environnement juridique strict, défini par plusieurs textes fondamentaux. Le Code des assurances, en premier lieu, encadre l’obligation de déclaration du risque par l’assuré dans ses articles L113-2 et L113-8. Ces dispositions imposent à l’emprunteur de répondre avec exactitude aux questions posées, sous peine de nullité du contrat en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle.
La loi Lagarde de 2010 a marqué une première étape significative dans l’évolution du cadre juridique en instaurant le principe de déliaison entre le prêt et l’assurance, permettant aux emprunteurs de choisir librement leur assureur. Cette avancée a été renforcée par la loi Hamon de 2014, qui a introduit la possibilité de résilier son contrat d’assurance emprunteur pendant la première année, puis par l’amendement Bourquin en 2018, étendant cette faculté à chaque date anniversaire du contrat.
L’année 2022 a vu l’adoption de la loi Lemoine, texte majeur qui a profondément modifié le paysage juridique des questionnaires médicaux. Cette loi a instauré deux innovations capitales :
- La suppression du questionnaire médical pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros par assuré et dont le terme intervient avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur
- Le renforcement du droit à l’oubli avec un délai réduit à 5 ans (contre 10 auparavant) pour les pathologies cancéreuses et l’hépatite C
Cette réforme traduit une volonté du législateur français de faciliter l’accès au crédit pour les personnes présentant un risque aggravé de santé. Elle s’inscrit dans le prolongement de la Convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé), dispositif conventionnel qui, depuis 2006, organise l’accès à l’assurance pour les personnes présentant un risque de santé aggravé.
Du point de vue du droit européen, les questionnaires médicaux doivent respecter le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui qualifie les données de santé de « données sensibles » bénéficiant d’une protection renforcée. L’assureur doit ainsi obtenir le consentement explicite de l’emprunteur pour leur traitement et garantir leur confidentialité.
Validité des questions posées : limites et interdictions
La validité juridique d’un questionnaire médical repose sur le respect de principes fondamentaux qui limitent la nature et la portée des questions pouvant être légitimement posées par les compagnies d’assurance. Le premier de ces principes est celui de la pertinence : les questions doivent présenter un lien direct avec l’évaluation du risque assuré. La Cour de cassation a confirmé cette exigence dans plusieurs arrêts, notamment dans une décision du 18 mars 2003 (pourvoi n°01-12.666) où elle a sanctionné un assureur ayant posé des questions sans rapport avec le risque couvert.
Le principe de proportionnalité constitue une autre limite majeure : les questions ne doivent pas être excessivement intrusives au regard de l’objectif poursuivi. Ainsi, un questionnaire exigeant des détails sur l’ensemble des antécédents médicaux sans distinction de gravité ou de pertinence pourrait être jugé disproportionné. Le Conseil d’État, dans une décision du 26 juin 2019 (n°427423), a rappelé cette exigence de proportionnalité dans le cadre du traitement des données de santé.
Certaines questions sont formellement prohibées par les textes. Le Code de la santé publique et le Code pénal interdisent toute discrimination fondée sur l’état de santé ou le handicap. Sont ainsi illégales les questions :
- Portant sur les tests génétiques prédictifs (article L1141-1 du Code de la santé publique)
- Relatives à l’orientation sexuelle de l’emprunteur
- Concernant des maladies couvertes par le droit à l’oubli
La jurisprudence a progressivement affiné ces interdictions. Dans un arrêt remarqué du 29 octobre 2002, la Cour d’appel de Paris a invalidé un refus d’assurance fondé sur la séropositivité au VIH, considérant qu’il s’agissait d’une discrimination illicite. Plus récemment, le Défenseur des droits a émis plusieurs recommandations visant à limiter les questions relatives aux antécédents psychiatriques, souvent formulées de manière trop générale et stigmatisante.
La formulation même des questions doit répondre à des exigences de précision et de clarté. La Commission des clauses abusives a ainsi recommandé d’éviter les formulations vagues ou ambiguës qui pourraient placer l’emprunteur dans l’impossibilité de répondre avec exactitude. Cette exigence a été consacrée par la jurisprudence, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation du 2 juin 2010 (pourvoi n°09-14.289) qui a sanctionné un assureur ayant utilisé des termes médicaux complexes sans les définir clairement.
Le cas particulier des maladies chroniques
Les maladies chroniques (diabète, hypertension, sclérose en plaques…) font l’objet d’un traitement particulier. Si elles peuvent légitimement figurer dans les questionnaires, leur prise en compte doit être nuancée selon l’état d’avancement de la maladie, l’efficacité des traitements et la stabilisation de l’état de santé du patient. La grille de référence AERAS, régulièrement mise à jour, fixe des conditions d’accès à l’assurance pour certaines pathologies chroniques stabilisées.
Obligation de sincérité de l’emprunteur et conséquences juridiques
Face au questionnaire médical, l’emprunteur est soumis à une obligation de sincérité, principe cardinal du droit des assurances consacré par l’article L113-2 du Code des assurances. Cette obligation ne se limite pas à répondre sans mentir aux questions posées, mais implique de fournir des informations complètes et exactes sur son état de santé dans les limites des questions formulées. La jurisprudence a précisé les contours de cette obligation, distinguant plusieurs degrés dans le manquement à ce devoir de sincérité.
La fausse déclaration intentionnelle constitue la violation la plus grave. Elle est caractérisée lorsque l’assuré dissimule sciemment une information qu’il sait pertinente pour l’évaluation du risque. La sanction est alors sévère : l’article L113-8 du Code des assurances prévoit la nullité du contrat, ce qui implique que l’assureur peut refuser toute prise en charge, y compris pour des sinistres sans lien avec l’information dissimulée. Dans un arrêt du 7 mars 2019 (pourvoi n°18-10.585), la Cour de cassation a confirmé cette sanction à l’encontre d’un emprunteur ayant délibérément omis de mentionner un suivi psychiatrique antérieur.
La fausse déclaration non intentionnelle reçoit un traitement plus nuancé. Régie par l’article L113-9 du Code des assurances, elle entraîne une réduction proportionnelle de l’indemnité en cas de sinistre, calculée selon le rapport entre la prime payée et celle qui aurait dû l’être si le risque avait été correctement déclaré. La charge de la preuve du caractère intentionnel de la fausse déclaration incombe à l’assureur, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 15 février 2000.
La sincérité de l’emprunteur s’apprécie au moment de la souscription du contrat. Une évolution ultérieure de son état de santé n’a pas à être déclarée, sauf clause contractuelle spécifique prévoyant une obligation d’information en cours de contrat. Cette règle a été confirmée par la jurisprudence, notamment dans un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 22 janvier 2015.
- L’emprunteur doit répondre aux questions posées sans être tenu de déclarer spontanément des informations non demandées
- L’assureur ne peut se prévaloir de réponses ambiguës résultant de questions imprécises
- Le doute sur l’intentionnalité profite à l’assuré
Un aspect souvent méconnu concerne la prescription de l’action en nullité pour fausse déclaration. L’article L114-1 du Code des assurances fixe un délai de deux ans à compter de la découverte de la fausse déclaration par l’assureur. Passé ce délai, l’action est prescrite et la nullité ne peut plus être prononcée, même en cas de fraude avérée. Cette règle protectrice pour l’assuré a été réaffirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 juillet 2018 (pourvoi n°17-10.458).
Dans certaines situations, l’emprunteur peut légitimement ignorer certains éléments de son état de santé. La jurisprudence admet que l’assuré ne peut déclarer que ce qu’il connaît effectivement. Ainsi, un diagnostic établi après la souscription du contrat, mais concernant une pathologie préexistante ignorée de l’assuré, ne peut justifier une nullité pour fausse déclaration, comme l’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 15 février 2018.
Protection des données médicales et secret médical
Les informations de santé collectées via les questionnaires médicaux bénéficient d’une protection juridique renforcée, au carrefour du droit des assurances et du droit des données personnelles. Ces données, qualifiées de « sensibles » par l’article 9 du RGPD, font l’objet d’un régime de protection spécifique qui impose aux assureurs des obligations strictes.
Le consentement explicite de l’emprunteur constitue la pierre angulaire de ce dispositif protecteur. Conformément aux exigences du RGPD et de la loi Informatique et Libertés, ce consentement doit être libre, spécifique, éclairé et univoque. Dans une délibération du 17 juillet 2019, la CNIL a précisé que les formulaires de collecte devaient mentionner clairement la finalité du traitement des données médicales et la durée de leur conservation. Le non-respect de ces obligations expose l’assureur à des sanctions pouvant atteindre 4% du chiffre d’affaires mondial.
Le secret médical, principe fondamental consacré par l’article L1110-4 du Code de la santé publique, s’applique pleinement dans le cadre de l’assurance emprunteur. Pour concilier ce secret avec les nécessités de l’évaluation du risque, le législateur a institué un dispositif original : le recours au médecin conseil de l’assureur. Ce professionnel, tenu au secret médical, sert d’intermédiaire entre l’emprunteur et l’assureur. Lui seul peut prendre connaissance des informations médicales détaillées, ne transmettant à l’assureur que sa conclusion quant à l’assurabilité du candidat.
La Convention AERAS a renforcé ce dispositif en prévoyant un circuit spécifique pour les dossiers médicaux complexes, avec trois niveaux d’examen garantissant une évaluation approfondie tout en préservant la confidentialité des données. En cas de refus d’assurance, l’emprunteur peut demander les motifs médicaux de ce refus, qui lui seront communiqués exclusivement par l’intermédiaire d’un médecin de son choix.
La durée de conservation des données médicales fait l’objet d’un encadrement strict. La CNIL recommande une durée limitée à la période nécessaire à la finalité du traitement, généralement la durée du contrat augmentée du délai de prescription légale. Au-delà, les données doivent être supprimées ou anonymisées. Cette exigence a été rappelée dans une sanction prononcée en 2018 contre un assureur qui conservait indûment des données médicales d’anciens clients.
- Le droit d’accès aux données médicales collectées
- Le droit de rectification en cas d’erreur
- Le droit à l’effacement des données après la fin du contrat
- Le droit d’opposition au traitement pour des motifs légitimes
La sécurité des données médicales impose aux assureurs la mise en place de mesures techniques et organisationnelles appropriées. La CNIL recommande notamment le chiffrement des données, la traçabilité des accès et la sensibilisation régulière du personnel. En cas de violation de données, l’assureur est tenu de notifier l’incident à la CNIL dans un délai de 72 heures et d’en informer les personnes concernées si la violation est susceptible d’engendrer un risque élevé pour leurs droits et libertés.
Le cas particulier de la télémédecine
L’émergence de la télémédecine et des consultations à distance soulève de nouvelles questions juridiques quant à la validité des examens médicaux réalisés dans ce cadre pour l’assurance emprunteur. Si la loi ASAP de 2020 a consacré la validité juridique de la téléconsultation, son utilisation dans le cadre des questionnaires médicaux renforcés reste encadrée et nécessite des garanties spécifiques en matière d’identification du patient et de sécurisation des échanges.
Recours et contentieux en cas de litige sur les questionnaires médicaux
Lorsqu’un différend survient concernant un questionnaire médical d’assurance emprunteur, l’emprunteur dispose de plusieurs voies de recours, tant amiables que contentieuses. La compréhension de ces mécanismes s’avère fondamentale pour défendre efficacement ses droits face aux compagnies d’assurance.
La première démarche recommandée consiste à solliciter une médiation. Le secteur de l’assurance dispose d’un médiateur spécialisé, dont la saisine est gratuite et peut s’effectuer en ligne. Ce dispositif, institué par l’article L612-1 du Code de la consommation, permet un règlement rapide et équilibré des litiges. Le médiateur rend un avis dans un délai de 90 jours, qui ne s’impose pas aux parties mais est généralement suivi par les assureurs soucieux de leur réputation. Les statistiques publiées par la Médiation de l’Assurance révèlent qu’environ 60% des avis sont favorables aux assurés, notamment dans les cas de contestation portant sur la clarté des questions posées.
Pour les emprunteurs confrontés à un refus d’assurance ou à une surprime en raison de leur état de santé, la Commission de médiation AERAS constitue une voie de recours spécifique. Cette instance examine les cas individuels et peut recommander un réexamen du dossier lorsqu’elle estime que les dispositions de la convention n’ont pas été correctement appliquées. Bien que ses avis ne soient pas contraignants, ils exercent une influence significative sur les pratiques des assureurs.
Le Défenseur des droits peut être saisi lorsque le litige soulève une question de discrimination liée à l’état de santé ou au handicap. Cette autorité indépendante dispose de pouvoirs d’investigation étendus et peut formuler des recommandations, proposer une transaction ou présenter des observations devant les juridictions. Dans une décision remarquée du 17 juillet 2018 (n°2018-164), le Défenseur des droits a qualifié de discriminatoire le refus systématique d’assurer des personnes atteintes de certaines pathologies chroniques stabilisées.
Lorsque les voies amiables s’avèrent infructueuses, le recours aux tribunaux devient nécessaire. La juridiction compétente varie selon la nature du litige :
- Le tribunal judiciaire pour les contestations relatives à l’exécution du contrat d’assurance
- Le tribunal administratif en cas de contestation d’une décision de la CNIL concernant le traitement des données médicales
- La juridiction pénale en cas de violation caractérisée du secret médical
La jurisprudence a progressivement défini les contours de la responsabilité des assureurs dans la conception et l’utilisation des questionnaires médicaux. Dans un arrêt fondateur du 4 février 1997, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « l’assureur ne peut se prévaloir de réponses ambiguës à des questions imprécises ». Cette jurisprudence constante place sur l’assureur la responsabilité de formuler des questions claires et précises.
Les délais pour agir en justice sont strictement encadrés. L’article L114-1 du Code des assurances fixe un délai de prescription de deux ans pour toute action dérivant du contrat d’assurance. Ce délai court à compter de l’événement qui y donne naissance, comme un refus de garantie. La Cour de cassation a toutefois admis, dans un arrêt du 2 avril 2009, que ce délai ne court qu’à compter du jour où l’assuré a eu connaissance du fait générateur lorsque celui-ci lui était initialement inconnu.
La charge de la preuve constitue un enjeu majeur dans ces contentieux. Si l’assureur invoque une fausse déclaration intentionnelle pour refuser sa garantie, il lui appartient de prouver non seulement l’inexactitude des déclarations, mais aussi l’intention dolosive de l’assuré. Cette preuve s’avère souvent difficile à rapporter, comme l’illustre un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 12 avril 2012, qui a refusé de reconnaître le caractère intentionnel d’une omission relative à un traitement médical antérieur.
Perspectives et évolutions du cadre juridique des questionnaires médicaux
Le paysage juridique des questionnaires médicaux en assurance emprunteur connaît une mutation accélérée, sous l’influence conjuguée des avancées technologiques, des revendications sociétales et des initiatives législatives. Ces transformations dessinent les contours d’un futur où l’équilibre entre évaluation du risque et protection des droits des emprunteurs pourrait être profondément redéfini.
La numérisation des processus de souscription constitue une tendance de fond qui soulève de nouvelles questions juridiques. Les questionnaires médicaux électroniques et l’utilisation d’algorithmes d’analyse des risques facilitent l’accès à l’assurance mais posent des défis en matière de protection des données et de transparence. Le Conseil d’État, dans une étude publiée en 2018 sur les algorithmes et l’action publique, a souligné la nécessité d’une « loyauté des algorithmes » et d’un droit à l’explication des décisions automatisées. Cette préoccupation trouve un écho dans l’article 22 du RGPD qui consacre le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé.
L’harmonisation européenne des pratiques en matière de questionnaires médicaux pourrait constituer une évolution majeure. Actuellement, les disparités entre États membres sont significatives : alors que la France a considérablement restreint le champ des questionnaires avec la loi Lemoine, d’autres pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni maintiennent des exigences plus étendues. La Commission européenne a lancé en 2021 une consultation sur l’accès aux services financiers, qui pourrait déboucher sur des initiatives législatives visant à réduire ces écarts et à garantir un niveau minimal de protection dans l’ensemble de l’Union.
Les progrès de la médecine prédictive et de la génétique posent des questions éthiques et juridiques inédites. Si l’article L1141-1 du Code de la santé publique interdit expressément l’utilisation des tests génétiques à des fins d’assurance, la frontière devient plus floue avec l’émergence de biomarqueurs et de techniques d’analyse non génétiques mais permettant d’établir des prédispositions à certaines pathologies. Le Comité consultatif national d’éthique a recommandé, dans un avis de 2019, une vigilance accrue face à ces nouvelles techniques et leur encadrement strict dans le domaine assurantiel.
- L’extension probable du droit à l’oubli à d’autres pathologies chroniques
- Le développement de questionnaires médicaux simplifiés et standardisés au niveau européen
- L’émergence de nouvelles formes de mutualisation des risques aggravés
La tendance à la mutualisation accrue des risques aggravés semble se confirmer. Le succès de la loi Lemoine, qui a supprimé le questionnaire médical pour certains prêts sans provoquer de hausse significative des tarifs, suggère qu’une plus grande solidarité entre assurés est économiquement viable. Cette approche pourrait s’étendre à d’autres catégories de prêts ou à des montants plus élevés. Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a d’ailleurs préconisé, dans un rapport de 2022, une réflexion sur l’extension du principe de solidarité dans l’assurance emprunteur.
Les contentieux récents révèlent une tendance jurisprudentielle favorable aux emprunteurs. Les tribunaux exigent désormais des assureurs une rigueur accrue dans la conception des questionnaires et dans la justification des refus de garantie. Dans un arrêt du 5 février 2020, la Cour de cassation a invalidé une clause d’exclusion fondée sur des antécédents psychiatriques, la jugeant trop imprécise et disproportionnée. Cette jurisprudence pourrait encourager les assureurs à adopter des pratiques plus transparentes et individualisées dans l’évaluation des risques.
Le développement de l’assurtech pourrait bouleverser le modèle traditionnel d’évaluation des risques. Des startups proposent déjà des alternatives aux questionnaires médicaux classiques, comme l’utilisation de données comportementales anonymisées ou de wearables mesurant certains paramètres physiologiques avec l’accord de l’utilisateur. Ces innovations soulèvent des questions juridiques nouvelles sur le consentement, la propriété des données et la frontière entre personnalisation légitime et discrimination. Le régulateur devra adapter son cadre d’intervention pour accompagner ces mutations tout en préservant les droits fondamentaux des emprunteurs.
